Citoyens du Monde: Notre Histoire

Je suis née au Québec. Je suis partie pour un été en 1998 avec un sac à dos pour travailler et voyager en Écosse. J’ai rencontré mon mari là-bas, deux semaines après mon arrivée. Il est Anglais. Nous avons vécu cinq ans en Écosse, deux ans sur l’Ile de Wight dans le sud de l’Angleterre, et ensuite en dans l’est de l’Angleterre, dans le comté d’Essex, pendant dix ans.

Nous avons trois enfants âgés de 13, 10 et 3 ans. Les enfants ont tous la double nationalité canadienne et britannique. Nous avons toujours voyagé avec les enfants. Mon mari a aussi eu l’opportunité de voyager pour le travail. Je l’ai accompagné dans certains de ses voyages, en Grèce, en France et en Afrique du Sud. Nous nous sommes toujours sentis comme des citoyens du monde pouvant créer un « chez-soi » partout au monde.

DES ÉPREUVES QUI CHANGENT LES PERCEPTIONS

En moins de six mois, nous avons perdu, mon mari et moi, chacun un parent. Ce qui a mis beaucoup de pression dans nos vies. Ces évènements ont aussi apporté des moments de réflexions et de réalisation que la vie a besoin d’être vécue. Notre tristesse s’est transformée en un monde de possibilités.

Dans les dernières années, nous avions considéré à plusieurs reprises aller vivre au Canada. L’Outaouais nous attirait particulièrement par cette possibilité d’assurer une continuité de bilinguisme pour la famille. Par contre, mon mari avait un emploi stable. J’ai fait un doctorat avec trois enfants, ce qui a demandé beaucoup d’énergie. Déménager avec peu de stabilité et sécurité d’emploi était un risque, surtout avec une jeune famille. Nous avions opté pour le statu quo.

Après quelques déménagements, nous avions développé notre chez-nous, personnel et professionnel. Nous avions aussi une belle maison que nous avons améliorée au fil des ans. Nous avions construit une petite maison dans le jardin, pour mon bureau. J’avais passé beaucoup de temps à choisir le modèle. Elle était très belle. C’était mon bureau, un havre de paix. Nous avions attendu pour la construire, au cas où nous déciderions de partir. Avec la venue d’un troisième enfant, nous avions décidé de rester. Construire la cabane et finir le grenier.

DÉMÉNAGER DANS UN AUTRE PAYS N’ÉTAIT PAS DANS LES PLANS

Nous avons toujours été à l’affût d’opportunités, particulièrement professionnelles. Mon mari a vu une opportunité sur un site professionnel, une opportunité en Angleterre et en Australie pour la même compagnie. Mon mari m’a écrit un courriel, « Prête pour un changement? » avec la description d’un emploi très intéressant pour lui, particulièrement stimulant et avec de beaux défis. Quand il m’en a parlé, ça faisait longtemps que je l’avais vu si enthousiaste pour le travail. Ma réaction a été : « Oh Mon Dieu, on vient de faire ma “cabane dans le jardin”, un peu sous le choc. Je n’ai JAMAIS pensé à un déménagement en Australie!

Après les courriels initiaux et les premières discussions, comme couple, nous avons discuté et discuté et discuté, des débats existentiels, à l’abri des oreilles des enfants. Nous ne voulions pas créer d’incertitudes pour rien. Mon mari a commencé un processus de discussions avec l’employeur, signalant qu’il souhaitait poser sa candidature pour le poste en Australie, et non celui en Angleterre, malgré les premières perceptions. Il a ensuite soumis son application et a participé à un long processus d’entrevues sur Skype. Nous avons continué les routines quotidiennes, aller travailler, s’occuper des enfants, faire les repas, le lavage, malgré un stress intense et un certain sens d’insécurité et d’inconnu.

PLANIFIER DE L’ÉTRANGER

Pendant plusieurs semaines, nous avons vécu un genre de cirque. Faire des recherches par internet sur les prix des maisons, le style et le coût de la vie, les possibilités d’emploi pour moi. Envoyer des courriels, répondre aux courriels de l’Australie en se levant. Répondre à des appels téléphoniques avant d’aller se coucher, ne sachant pas si tout ça allait fonctionner. C’était un peu surréel. Les recherches initiales ont porté fruit. On y voyait un style de vie agréable basé sur le plein air. Il y avait des possibilités d’emploi pour moi avec des défis professionnels. Le prix des maisons n’était pas aussi alléchant que le marché québécois, mais la promesse d’exploration d’un nouveau continent tout en donnant des expériences inoubliables aux enfants, et une richesse inouïe de découvrir de nouvelles cultures, nous ont attirés particulièrement.

Après un long processus de sélection, la compagnie a offert le poste à mon mari. Nos débats et nombreuses questions écrites sur des listes ont aidé à former les premières discussions à propos d’un transfert d’une famille de cinq. Nous avons été rassurés. Tout a semblé se mettre en place et aller dans la bonne direction. Mon mari a accepté le poste! Un gros changement pour toute la famille. Nous avions un nouveau continent à découvrir, l’Australie!

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Relocaliser une famille à l’étranger

Nous avons enclenché un processus incroyable… Ce qui semblait être complètement impossible : démissions de nos emplois et de rôles bénévoles, mise en vente de la maison, annonce de la nouvelle à nos amis, aux amis des enfants, aux écoles, à nos collègues. Des moments très émouvants, car nous étions là depuis 10 ans. La maison était pleine de souvenirs. Les enfants y avaient grandi. Nous avons réduit considérablement toutes nos activités et les activités parascolaires des enfants pour avoir le temps de planifier ce gros changement. Nos objectifs ont changé de façon draconienne.

Invités par la compagnie, nous nous sommes rendus en Australie pour visiter ce coin de pays. Mon mari avait déjà visité cet endroit, sans moi. Ça semblait être un tour de force de laisser les trois enfants en Grande-Bretagne. De très bons amis ont bien voulu aider pour nous faciliter la tâche. La planification d’un voyage à l’étranger, les démissions au travail et la vente de la maison nous ont vite paru impossibles et lourdes, remplies d’inconnus et d’un profond sentiment d’impuissance face à certains évènements. Mais nous avons toujours gardé un esprit positif et un sens du futur, en faisant face à plusieurs obstacles, un à un, et en essayant de trouver des solutions.

La semaine de familiarisation en Australie a été chargée. Mon mari participait à une semaine de développement stratégique avec la compagnie. On avait organisé pour moi des visites de maisons, d’écoles. J’ai aussi pris des rendez-vous sur place. J’ai pris le temps de conduire, visiter et parler à des gens. J’ai pu rapporter des brochures, des photos et des informations pour les enfants.

2 MOIS AVANT : DES ÉPREUVES GRAVES

Mon mari est tombé gravement malade. Il a été hospitalisé. Des moments très difficiles parce qu’il a été dans une condition où il y aurait pu avoir un danger pour sa vie. Ça prit du temps pour connaître le diagnostic. Très épeurant aussi de préparer un déménagement international avec le joueur principal alité pendant plus de 4 semaines. J’avoue que j’ai pensé vivre un cauchemar intense. Les conséquences de la maladie étant inconnues, nous avons quand même continué à planifier notre déménagement en gardant contact avec nos employeurs, expliquant nos délais et difficultés de façon transparente et honnête. Nos amis et collègues ont été formidables; leur soutien émotionnel et logistique, indispensable.

1 MOIS AVANT : NOUS NE POUVIONS PLUS RECULER

Après plus de 6 semaines de convalescence, mon mari a reçu le « OK » de son médecin. Tout en attendant les visas, nous avons commencé à penser sérieusement à notre départ. Aucune date ne pouvait être fixe sans l’obtention de visas. L’attente a été longue. Nous avions réservé les déménageurs pour une date précise, mais toujours pas de visas. La maison n’était toujours pas vendue, mais nous avions décidé de partir quand même. L’employeur voulait que mon mari commence le travail le plus tôt possible. Déménageurs, aurevoirs, ventes et dons de nos possessions ont été particulièrement importants dans le dernier mois et les jours avant notre départ. Mon mari ne pouvait pas vraiment lever des boîtes ou des choses plus lourdes, il ne pouvait pas soutenir son énergie pendant très longtemps non plus.

DES AUREVOIRS ÉPROUVANTS ET BEAUCOUP À FAIRE

Il s’est écoulé une semaine entre le moment où nous avons reçu les visas et le moment où les déménageurs sont arrivés dans la maison. Les déménageurs ont pris quatre jours à paqueter la maison. Pendant qu’eux faisaient des boîtes, je lavais les bicyclettes, les bâtons de golf, les souliers, bref tout ce qui avait été dehors devait être bien nettoyé pour l’immigration. Il y avait beaucoup de choses à faire et finaliser. Les gens venaient nous voir pour dire au revoir. Il y avait une activité incroyable. Des jours mémorables à dire au revoir à plusieurs et aussi à continuer de vendre des objets qui ne pouvaient pas être mis dans le conteneur. Je me suis levée le jour du départ… « Wow, j’ai un aller simple pour l’Australie! »

Une activité incroyable jusqu’à la dernière minute où les voisins nous ont envoyé la main. Personne n’avait les yeux secs, plusieurs larmes se sont versées. Nous avons manqué de temps, il y avait beaucoup à faire. Les déménageurs étaient encore là quand nous avons quitté la maison et ils sont aussi revenus le lendemain.

UN VOYAGE MOUVEMENTÉ

Nous avons quitté la maison avec un certain délai et il y a eu du trafic sur la route. Nous sommes arrivés à l’aéroport un peu en panique avec quelques minutes à faire avant la fermeture du vol et beaucoup de bagages à enregistrer. Dix valises et cinq sacs pour l’avion, c’est tout ce que nous avions pour les DIX prochaines semaines! Nous avons couru à travers l’aéroport, un peu comme la course dans le film Maman j’ai raté l’avion, excités et euphoriques. Mais aussi très stressés de nos aventures qui ne semblaient toujours pas s’estomper.

C’est effectivement un long voyage : Londres-Abu Dhabi-Melbourne. Les enfants se sont quand même bien adaptés à un si long voyage. Deux vols de 8 et 14 heures, c’est long. Ma fille est toujours malade en avion. À l’arrivée sur notre deuxième vol, je donne un sac à l’hôtesse de l’air. Panique! Elle commence à me poser des questions. Elle sort un formulaire, avec d’autres questions. Le pilote arrive avec d’autres employés et me pose des questions. « Depuis quand est-elle malade? Quels sont ses symptômes

Le pilote m’annonce que ma fille doit quitter l’avion. La politique de la compagnie est de ne jamais voler avec des passagers malades à cause des risques d’avoir à changer la trajectoire de l’avion et d’atterrir d’urgence. Mon état était pitoyable, mon visage très long. Le choc. Je n’en croyais pas mes oreilles. Après des mois d’angoisse avec un mari hospitalisé, un déménagement sous un stress intense pour arriver à temps. Je me faisais dire que nous devions quitter l’avion. J’ai utilisé tous les arguments possibles. Sincèrement, j’étais sous le choc, mais aussi en bataille ultime pour continuer notre route. Le pilote a fini par nous écouter. Il était Canadien. Nous avons parlé du Canada!

Un long voyage mouvementé…

À DESTINATION COMME DANS LES CONTES DE FÉES

Une journée ensoleillée des plus merveilleuses. Un souvenir inoubliable que d’arriver à la maison que nous avions louée sans l’avoir vue! Seulement en photos et sur internet. Dix valises, cinq sacs, des matelas de camping et sacs de couchage pour dormir. Rien d’autre. Pas de télévision. Que des tablettes et pas de Wi-Fi… une vraie aventure commençait!

C’est certain qu’il y a eu beaucoup de choses à faire dans les premières semaines, plusieurs décisions ont suivi. La fin de l’été australien nous a vraiment aidés à nous adapter et apprécier notre environnement : la plage, le bois, une piscine, le début d’une vie paisible et simple comme nous l’avions imaginée